Interview de Jellel Gasteli sur son nouveau livre « BARKHANES », collection Art/Photo aux éditions Lalla Hadria dans le HuffPostMaghreb par Anissa Mahdaoui :
Aujourd’hui c’est avec « Barkhanes », son dernier ouvrage d’ampleur publié aux Éditions Lalla Hadria, centré cette fois sur des images de sa Tunisie natale que l’artiste revient dans une interview exclusive.
Comment s’est déclenchée cette collaboration avec Lalla Hadria Éditions?
Jellel Gasteli: J’avais toujours ça en tête, j’avais mes archives et Nicolas Fauqué, qui dirige les éditions Lalla Hadria m’a proposé de publier un livre en me donnant carte blanche donc pour moi c’était l’occasion ou jamais de faire ce que j’avais envie de faire depuis longtemps. J’avais ces clichés, pris sur une dizaine d’années, et je voulais en faire une histoire.
Vous êtes déjà l’auteur de plusieurs publications comme Il Fiore Sbocciato publié aux éditions AF Bari, en 2001 ou encore Série Blanche, avec les éditions Eric Koehler, l’Alesco et Agnès. B. en 1997. Qu’est-ce que celle-ci a de particulier?
C’est le premier livre que je publie exclusivement sur le Sahara tunisien et le sud de la Tunisie en général, par ce que le Sahara, l’extrême sud de la Tunisie, sont des régions très difficiles d’accès.
Nous partons en groupe de 3 et 4 personnes et nous y passons 4 ou 5 jours en bivouac avec à boire et à manger. Nous vivons dans le désert, dormons là-bas sous les tentes. Nous nous faisons à manger, nous prenons du plaisir, c’est un peu une fête sauf que nous sommes en plein désert. Comme je le dis dans le texte [de l’ouvrage « Barkhanes »] ça fonctionne par affinité, au bout d’un certain temps, nous avons réussi à former un groupe très soudé. Nous allons là bas pour les mêmes raisons, pour le plaisir esthétique de dormir au milieu du sable et des dunes et passer de bons moments ensemble.
Donc c’est une expérience humaine…
Absolument, nous sommes liés par cette passion, donc ce livre résume une dizaine d’années de ballade dans le désert. J’en ai fait le témoin de ce que pourrait être une ballade pour ceux qui ne sont jamais allés dans le désert par exemple.
Ce n’est pas la première fois que vous rendez hommage à la Tunisie dans un ouvrage…
Oui, j’ai publié plusieurs ouvrages sur la Tunisie, La Tunisie entre ciel et terre qui est un livre essentiellement fait de vue aérienne en hélicoptère et, à la fin des années 90, j’ai publié un livre en noir et blanc qui s’appelle En Tunisie. Mais à chaque fois j’ai été obligé de travailler sur l’ensemble de la Tunisie, alors que là c’est beaucoup plus intime.
C’est vraiment ma Tunisie! Je suis très content de publier ce livre car cela me permet de le partager avec des tas de gens qui ne se doutent même pas que ces lieux existent.
D’où vient ce titre « Barkhanes »?
J’ai mis du temps à trouver ce titre, jusqu’à ce que je tombe un jour sur ce mot que j’ai choisi de mettre au pluriel. « Barkhanes » est une formation géologique de dunes sculptées par le vent et qui ont une forme de croissant.
J’ai trouvé que le nom était très évocateur, car on ne sait pas si c’est un nom français ou d’origine arabe et je trouvais que cela sonnait plutôt bien. D’ailleurs tout le livre a un côté mystérieux, c’est une narration visuelle, ça raconte une histoire, c’est une sorte de poésie visuelle, c’est un carnet de voyage, des associations d’images entre elles qui résument des moments que nous avons passés.
Il a des choses dont on ne se doute pas, comme ce magnifique lévrier (NDLR: montre-t-il dans l’ouvrage) qui est protégé après l’effort, c’était une chasse qu’on avait faite avec des éleveurs de sloughis (NDLR: lévriers arabes) à Douz, qui protègent et prennent soin de leurs chiens comme je l’ai rarement vu. Les chiens sont bichonnés, ils ont les pattes avec du henné, dès qu’ils ont fini de courir, ils les couvrent pour ne pas qu’ils aient froid après avoir transpiré, ils leurs donnent de l’eau… c’est presque comme des chevaux de course.
Il y a aussi de grands paysages, comme cette dune qui s’appelle Sif Essouane qui est la plus haute du Sahara tunisien, qui est une véritable montagne, qui fait 350m de haut. C’est spectaculaire et extrêmement difficile d’accès. Il faut 2 jours pour faire 40 km, une fois arrivé là bas, si tu regarde bien tu vois des gazelles, tout un univers qu’on ne voit pas à la sortie de Douz par exemple.
Encore une fois l’idée est de partager cette Tunisie très peu connue et qui ne correspond pas à l’imagerie habituelle qu’on a de la Tunisie pittoresque un peu folklorique.
En juin dernier vous rendiez hommage à votre ami, le poète Abdelwahab Meddeb (1946-2014) à travers une exposition photo. Quels sont vos projets?
Je continue sur ce projet de carnets d’Abdelwahab Meddeb, qui sera complètement différent dans la mesure où on va utiliser les photos de cet hommage et je vais aller en faire d’autres car je dois aller dans dans d’autres villes et d’autres pays pour continuer dans la même veine et je pense que j’en ferai un livre, d’ici 1, 2 ou 3 ans, toujours avec Lalla Hadria dans un format plus important.
L’ouvrage, qui comporte 76 photos, est actuellement disponible en Tunisie, il devrait faire l’objet d’une exposition au mois d’avril au 32Bis à Tunis pour sa présentation officielle.